Carnaval, une religion

La meilleure introduction à la « religion de Carnaval » demeure l'enseignement oral de Claude Gaignebet, dont une transcription malheureusement épuisée fut publiée en 1979 :

« Carnaval est ici étudié comme une religion. L’étendue, dans la durée et l’espace, des fêtes carnavalesques nous contraint à penser que cette religion est ancienne, bien qu’il ne soit pas moins arbitraire de la dire néolithique ou paléolithique que de la renvoyer à l’éternelle nuit des temps. […]
« Est-il vraiment hasardeux d’affirmer que le jour marqué d’une lune cornue, Mardi Gras, est celui où l’on honore le bœuf et où défilent les bouchers et le cocu (cornard) ? Une telle suite de juxtapositions pourrait être comprise par les enfants, plus sensibles que nous, peut-être, à une logique de ce type. Est-il beaucoup plus hardi de noter qu’en ce jour de nouvelle lune on dévore l’astre sous forme de crêpes (ce qui ne manque pas de poser quelque énigme quant au devenir de cette “hostie” populaire) et que l’on barbouille les Pierrot lunaires ?
« Est-il extravagant de constater que les fous de Carnaval (munis de leurs soufflets : follis, lat.) se suivent à la queue leu leu en se soufflant au derrière (soufflaculs) et se revêtent d’un coqueluchon, bonnet surmonté d’une tête de coq et qui prémunit son porteur de la coqueluche ?
« Est-il contradictoire de faire remarquer que ces mêmes fous se nourrissent d’aliments flatulents ? Comment ne pas reconnaître le désir, pour ces “éventés”, d’accumuler en eux un souffle, d’en contrôler la sortie en évitant la toux, et de la surveiller à l’aide d’un soufflet. Comment séparer ces tempêtes alvines intérieures du vent météorologique qui souffle sur les feux des brandons ?
« Une religion… cela suppose des fêtes, des rites, des symboles, des lieux sacrés, des prêtres, des dieux, des mythes, des légendes. […]
« Tout concourt ainsi, en Carnaval, à assurer en l’homme et hors de l’homme la mystérieuse circulation du pneuma igné artiste. Soufflets, vessies, fèves et pois, feu et vent, lune et Pierrots enfarinés, pet de l’ours et du Cheval-jupon, coqueluchon et corde des pendus, assurent le mécanisme précis des souffles liés et déliés. Ainsi se perpétue depuis des millénaires la Religion pour laquelle “ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, le vent l’a porté dans son ventre car le soleil est son père et la lune sa mère”. » (Claude Gaignebet, Marie-Claude Florentin, Le Carnaval. Essai de mythologie populaire, Paris, Payot, 1979 : introduction)

Carnaval, une religion

La meilleure introduction à la « religion de Carnaval » demeure l'enseignement oral de Claude Gaignebet, dont une transcription malheureusement épuisée fut publiée en 1979 :

« Carnaval est ici étudié comme une religion. L’étendue, dans la durée et l’espace, des fêtes carnavalesques nous contraint à penser que cette religion est ancienne, bien qu’il ne soit pas moins arbitraire de la dire néolithique ou paléolithique que de la renvoyer à l’éternelle nuit des temps. […]
« Est-il vraiment hasardeux d’affirmer que le jour marqué d’une lune cornue, Mardi Gras, est celui où l’on honore le bœuf et où défilent les bouchers et le cocu (cornard) ? Une telle suite de juxtapositions pourrait être comprise par les enfants, plus sensibles que nous, peut-être, à une logique de ce type. Est-il beaucoup plus hardi de noter qu’en ce jour de nouvelle lune on dévore l’astre sous forme de crêpes (ce qui ne manque pas de poser quelque énigme quant au devenir de cette “hostie” populaire) et que l’on barbouille les Pierrot lunaires ?
« Est-il extravagant de constater que les fous de Carnaval (munis de leurs soufflets : follis, lat.) se suivent à la queue leu leu en se soufflant au derrière (soufflaculs) et se revêtent d’un coqueluchon, bonnet surmonté d’une tête de coq et qui prémunit son porteur de la coqueluche ?
« Est-il contradictoire de faire remarquer que ces mêmes fous se nourrissent d’aliments flatulents ? Comment ne pas reconnaître le désir, pour ces “éventés”, d’accumuler en eux un souffle, d’en contrôler la sortie en évitant la toux, et de la surveiller à l’aide d’un soufflet. Comment séparer ces tempêtes alvines intérieures du vent météorologique qui souffle sur les feux des brandons ?
« Une religion… cela suppose des fêtes, des rites, des symboles, des lieux sacrés, des prêtres, des dieux, des mythes, des légendes. […]
« Tout concourt ainsi, en Carnaval, à assurer en l’homme et hors de l’homme la mystérieuse circulation du pneuma igné artiste. Soufflets, vessies, fèves et pois, feu et vent, lune et Pierrots enfarinés, pet de l’ours et du Cheval-jupon, coqueluchon et corde des pendus, assurent le mécanisme précis des souffles liés et déliés. Ainsi se perpétue depuis des millénaires la Religion pour laquelle “ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, le vent l’a porté dans son ventre car le soleil est son père et la lune sa mère”. » (Claude Gaignebet, Marie-Claude Florentin, Le Carnaval. Essai de mythologie populaire, Paris, Payot, 1979 : introduction)